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Ces deux questions ne sont pas analogues. Loin s’en faut.

Il est commun en effet de dire que l’ordre mondial actuel a été établi au lendemain de la seconde guerre mondiale par les vainqueurs de la guerre sans que l’on précise lesquels.

En effet, l’Union Soviétique a payé le plus lourd tribut aux confrontations avec plus de 20 millions de morts sur le total des victimes qui se chiffre entre 50 et 60 millions de morts.

Sa contribution a également été décisive pour battre la très puissante Wehrmacht (armée Allemande), en libérant l’Europe orientale et centrale et mettant fin au règne du Furher. Ce dernier
se suicida le 30 avril 1945 et Berlin se rendit aux forces soviétiques le 2 mai 1945.

L’Union Soviétique est donc avec les États-Unis et la Grande Bretagne les trois véritables vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale.

Ce sont donc les dirigeants de ces trois puissances à savoir Roosevelt des États-Unis, Churchill de la Grande Bretagne et Staline de l’Union Soviétique qui sont les architectes de la conception des relations internationales telles que nous les vivons aujourd’hui.

La France qui a été défaite par l’Allemagne dès juin 1940 (moins d’un an après le début de la guerre), et occupée, ne sera libérée totalement que le 8 mai 1945 plus d’une semaine après le suicide du Furher grâce à l’aide des Américains et Britanniques dont la tâche a été grandement facilitée par les coups portés en amont par les soviétiques à l’armée allemande plus tôt.

Elle (la France) sera tout de même cooptée au sein du club des vainqueurs par la volonté du Premier Ministre Britannique qui va lui octroyer une zone d’occupation en Allemagne sur les territoires cédés à la Grande Bretagne.

C’est encore Churchill qui fera pression sur les deux autres pour octroyer à la France un siège de membre permanent au Conseil de Sécurité des Nations Unies.

Cette volonté de Churchill d’associer la France au Camp des vainqueurs masquait en réalité la volonté des Britanniques et des Américains de construire l’ordre mondial sans l’Union Soviétique qui a pourtant activement participé à mettre en place ses soubassements et cela pour des raisons de rivalités idéologiques qui se formaliseront par ce qui a été la Guerre Froide.

L’Union Soviétique sera donc écartée de la formation des institutions et des mécanismes que les Anglais et les Américains mettent en place pour structurer les relations internationales et garantir leur domination sur l’ordre mondial qui porte leurs marques et qui est tout voué et dévoué à pérenniser leurs seuls intérêts et ceux de leurs alliés sur la scène internationale.

Pour ce faire, ils sont arrivés à instiller dans le subconscient de tous et pendant longtemps qu’ils n’étaient jamais responsables de troubles de l’ordre et de la légalité internationale alors même qu’ils sont auteurs ou complices d’actes aussi éloignés de la légalité qu’octobre l’est d’avril et qui sont les moteurs de tous les conflits majeurs qui secouent le monde depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

La sublimation et la dissimulation sont les instruments et les leviers de la politique étrangère de ces puissances.

C’est ainsi qu’alors même que les Anglais ont pu convaincre les Ukrainiens de torpiller les négociations de paix avec les Russes qui étaient à deux doigts d’aboutir en mars 2022 et que les États-Unis et leurs alliés alimentent le conflit avec plus de livraisons d’armes et de franchissement des lignes rouges qu’ils ont eux-mêmes fixées, ils dénient aux autres pays d’en faire autant avec la Russie.

Le Secrétaire d’État américain Antony Blinken qui a affirmé mercredi 11 septembre 2024 en compagnie de son homologue anglais que le Président Biden et le Premier ministre britannique, Keir Starmer, discuteront ensemble le vendredi 13 (date fatidique du calendrier), des demandes formulées par Kiev notamment en ce qui concerne l’autorisation des frappes en profondeur du territoire russe avec des missiles américains et britanniques. Il a dans le même temps annoncé la prise de sanctions contre l’Iran qui aurait livré des missiles de courtes portées à la Russie.

Ce double standard qui proclame comme base de la stabilité de l’ordre mondial que les Américains et Britanniques peuvent tout se permettre et les autres pas est le modus operandi de leur conception des relations internationales apaisées et justes.

Cette volonté d’imposer le narratif occidental et spécifiquement americano-britannique sur la marche du monde a tout le monde, s’est manifestée de façon tout à fait surprenante dans le conflit actuellement en cours en Palestine.

En effet, dans un rapport publié le lundi 6 mai 2024 sur le bilan des Palestiniens ayant perdu la vie dans le conflit depuis le 7 octobre 2023 avec Israël, le Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires (Ocha), donnait le chiffre de 34.735 personnes tuées dans la bande de Gaza dont plus 9 500 femmes et plus de 14 500 enfants.

Deux jours plus tard, soit le 8 mai 2024, la même organisation publie un nouveau bilan qui fait état de 34. 844 personnes tuées dont cette fois 4. 959 femmes et non plus 9.500 et 7.797 enfants au lieu de 14. 500.

Pour justifier la baisse de moitié du nombre de femmes et d’enfants tués dans le conflit à cette date, Ocha explique qu’il a fait le choix en l’espace de deux jours seulement de se fier désormais aux décomptes du Ministère de la Santé de l’enclave palestinienne en lieu et place de ceux du Bureau de presse du gouvernement gazaoui, dirigé par le Hamas.

Comme on le dit, il vaut mieux entendre cela que d’être sourd.

Ce rétropédalage qui s’explique par l’indignation grandissante de l’opinion mondiale face aux assassinats de masse de femmes et d’enfants et du silence de la majorité des gouvernements occidentaux et des juridictions compétentes, était bien une commande imposée à Ocha. Par qui ? On ne le saura évidemment jamais.

On le voit donc, les vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale sont l’Union Soviétique, les États-Unis et la Grande Bretagne, mais seuls les deux derniers sont les géniteurs de l’ordre mondial actuel qui est combattu par les membres du Sud Global ainsi que par la Russie, héritière et exécutrice testamentaire de l’Union Soviétique.

Moritié Camara
Professeur Titulaire d’Histoire des Relations Internationales

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