Les Libériens sont appelés, ce mardi 14 novembre 2023, aux urnes pour un second tour qui s’annonce serré entre le président sortant George Weah et le vétéran Joseph Boakai.
De l’avis de tous les observateurs de la vie politique du pays, ce second tour de la présidentielle s’annonce serré entre les deux candidats, déjà opposés en 2017, quand George Weah l’avait emporté avec plus de 61 %. Au premier tour, le 10 octobre, George Weah, 57 ans, était en tête du scrutin avec 7 000 voix de plus que son challenger, 78 ans.
Au-delà du choix de la personne qui dirigera ce pays parmi l’un des plus pauvres de 5 millions d’habitants en quête de paix et de développement, après les années de conflits et d’épidémies d’Ebola, l’un des enjeux est le déroulement pacifique et régulier de l’élection et l’acceptation des résultats.
Cette élection est la première organisée sans la présence de la mission des Nations unies au Liberia créée en 2003 (et partie en 2018) pour garantir la paix après les guerres civiles qui ont fait plus de 250 000 morts entre 1989 et 2003 et dont le souvenir reste vivace.
L’élection « représente sans aucun doute une étape cruciale dans la consolidation de la paix et de la démocratie au Liberia et dans la région », a dit l’ONU dans un communiqué récent.
Plus de 2,4 millions d’électeurs sont invités à se prononcer de 8 heures à 18 heures (heure locale et GMT) entre un sortant qui reste populaire parmi les jeunes mais doit défendre un bilan critiqué, et un vieux routier qui fut de 2006 à 2018 le vice-président d’Ellen Johnson Sirleaf, première femme élue cheffe d’État en Afrique. Joseph Boakai a occupé une multitude de postes au sein de l’État ou du secteur privé, mais son âge est considéré comme un handicap.
La commission électorale a 15 jours pour publier les résultats, mais l’affaire pourrait prendre moins de temps, dit un de ses responsables, Samuel Cole.
Quelle participation ?
L’entre-deux-tours a surtout consisté pour les deux camps à obtenir le ralliement des électeurs des 18 autres candidats, dont aucun n’a atteint 3 %.
Le troisième du premier tour, Edward Appleton, et deux autres des six candidats arrivés en tête ont appelé à voter pour Boakai.
Le taux de participation pourrait aussi être un facteur important, dit à l’AFP Lawrence Yealue, directeur pour le Liberia d’Accountability Lab, un réseau pour la bonne gouvernance. Il prévoit un taux plus faible que le record du 10 octobre (78,86 %) parce que le vote ne sera pas couplé cette fois aux élections parlementaires.
George Weah conserve son aura d’unique Africain désigné Ballon d’or, la plus prestigieuse récompense individuelle du foot. L’ancien gamin des bidonvilles de Monrovia a l’image d’un homme abordable et pacifique. Il se réclame de son action en faveur de l’éducation et de l’électrification des foyers, de la construction de routes et d’hôpitaux. Il promet de continuer à œuvrer au développement d’un des pays les plus pauvres de la planète. George Weah a dirigé le pays pendant la pandémie de Covid-19 et la crise économique.
Ses détracteurs lui reprochent de n’avoir pas tenu ses promesses. Ils l’accusent d’être déconnecté des réalités de ses concitoyens qui se débattent avec les hausses des prix et les pénuries. En effet, plus d’un cinquième de la population vit avec moins de 2,15 dollars par jour, selon la Banque mondiale.
Attaque à l’arme à feu
Joseph Boakai, qui joue là sa dernière carte, lui impute l’aggravation d’une corruption réputée endémique, promet de développer les infrastructures, d’attirer les investisseurs et les touristes, et d’améliorer la vie des plus pauvres. Il a noué des alliances avec des barons locaux, dont l’ancien chef de guerre et sénateur Prince Johnson, qui avait soutenu M. Weah il y a six ans.
Le contexte est aussi déterminant dans ce scrutin. Des affrontements pendant la campagne ont fait plusieurs morts et fait craindre des violences postélectorales. Joseph Boakai a fait état, dimanche, d’attaques et d’abus contre son camp, dont l’une à l’arme à feu vendredi contre un convoi transportant Prince Johnson et le candidat à la vice-présidence, Jeremiah Kpan Koung. Sept personnes auraient été blessées. Le camp de Boakai a aussi dénoncé des irrégularités lors du premier tour.
De leur côté, les observateurs internationaux déployés en nombre ont salué le bon déroulement du premier tour, dans une région où la démocratie est ébranlée par une succession de coups d’État. La campagne a aussi été marquée par de la désinformation.
Les États-Unis, important partenaire du Liberia, ont prévenu qu’ils exploraient l’éventualité de restreindre la délivrance de visas contre les personnes « coupables ou complices d’agissements sapant la démocratie ».