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Le journaliste ivoirien est-il condamné à voguer la galère ? Je dis non. Bien que nos devanciers nous aient toujours fait croire que quand on devient journaliste, c’est qu’on a décidé d’épouser la misère. Ça, il faut le leur concéder. Parce qu’eux, quand ils commençaient le métier dans les années 80, on ne parlait pas de véritables entreprises de presse en Côte d’Ivoire. Il ne s’agissait au départ que de regroupements de potes d’université, des chevaliers de la plume dans une salle, qui tiraient à hua et à dia sur le pouvoir.

Même avec le printemps de la presse en 1990, on était toujours dans l’informel. Seul le groupe Fraternité Matin (29 septembre 1993) avait la structure d’une entreprise. Et pourtant qui dit entreprise dit profits. S’il y a des profits, il faut bien que les travailleurs en jouissent. C’est donc ce changement de contexte qui me fait dire aujourd’hui que les journalistes ne peuvent faire voeu de pauvreté. Surtout au lendemain de la célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse dont le thème était « L’information comme bien public ». «L’information comme bien public» pour montrer la valeur incontestable d’une information vérifiée et fiable. Il appelle l’attention sur le rôle essentiel que jouent les journalistes  libres  et  professionnels  dans  la  production  et  la  diffusion  de  ces informations, en luttant contre les fausses informations et autres contenus préjudiciables. Passons.

Les journalistes n’ont pas fait voeu de pauvreté

Loin s’en faut. Nous aussi aspirons à mener la vie à grandes guides. Néanmoins, il se trouve que certains responsables du Gepci, entendons le Groupement des éditeurs de presse de Côte d’Ivoire, veulent maintenir le secteur de la presse dans la précarisation des petits salariés. Une frange de ces grands manitous refuse d’appliquer une des résolutions des états généraux de la presse (30-31 août 2012) à Yamoussoukro.

Il s’agit de payer convenablement les professionnels de la presse à la valeur du point 1800 de la convention collective. Le grand public, qui ne connaît du journalisme que sa vitrine la plus clinquante, c’est-à-dire qu’il est le quatrième pouvoir, peut ne pas comprendre notre coup de gueule contre le patronat. Cela tient simplement au fait qu’ils ont toute la latitude de rendre le secteur viable plutôt que de rester à se plaindre de la mévente. Contrairement à d’autres pays, la Côte d’Ivoire ne connaît pas de grands mécènes qui investissent dans les médias.

L’absurdité de l’affaire, c’est qu’après l’impression des journaux, tout le stock est confié à un opérateur privé (Edipresse dont Fraternité Matin est actionnaire à 50%) pour la distribution. Cette étape est surtout l’aspect qui fait le plus souffrir les journaux. Alors que les productions sont entassées ici à Abidjan, des villes de l’intérieur les reçoivent avec un jour de retard. Le système de messagerie de presse doit être carrément repris en main. Edipresse se débrouille comme elle peut, sans grande conviction.

Une initiative de création d’une messagerie lancée, en 2010, par les journaux dits «bleus», a fait flop. Les intérêts divergents des «patrons de presse» empêchent une action commune pourtant salutaire pour tous. C’est-à-dire créer une imprimerie par le biais d’un Groupement d’intérêt économique (GIE). Non seulement les tirages sont insignifiants (entre 10.000 et 16.000 exemplaires) mais aussi le taux d’invendus est impressionnant (de 60 à 90%) surtout avec le passage du prix d’achat des quotidiens de 200 à 300 francs depuis le avril 2014. Il se trouve malheureusement que les vendeurs à la criée ont inventé depuis quelque temps un système de location des journaux. Pour 100 ou 50 francs, ils laissent pour la lecture un journal dans un bureau avant de venir le récupérer et le remettre comme invendu. Et après tout ça, on nous rabâche les oreilles que les journaux ne marchent pas. Et ils ne mettent pas la clef sous le paillasson. Autant de chantiers que le Gepci sous le président Lassane Zohoré doit attaquer pour trouver des solutions. Dans le seul but de rendre le secteur de la presse viable et profitable à ceux qui se tuent à la tâche.

Par Badobré Stéphane

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