Dans moins de deux semaines, les Ivoiriens vont élire leurs représentants à l’Assemblee nationale. Pour la première fois depuis l’accession au pouvoir du président Alassane Ouattara, toute l’opposition a décidé de participer à ces échéances électorales. En principe, une telle participation devrait inquiéter la majorité au pouvoir. Ce qui n’est pas le cas et le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (Rhdp) peut dormir tranquille, assuré d’une large majorité à l’hémicycle. Pourquoi ? Décryptage
L’opposition ivoirienne s’est rarement ou du moins ne s’est jamais montré à la hauteur face à la machine du Rhdp. Ses atermoiements, tergiversations et autres incohérences ont fini par la discréditer. Et pourtant, le Rhdp n’a jamais été aussi près de perdre le pouvoir en 2020. Alassane Ouattara partait à ce scrutin défavorisé par la polémique sur son troisième mandat. Il avait contre lui toute la coalition de l’opposition ivoirienne. Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci), le Front populaire ivoirien (Fpi) toutes tendances confondues, l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (Udpci) et plusieurs micro partis se sont ligués contre le pouvoir en place. Mais les options choisies par cette opposition ont fini par la couler. Plutôt que participer à la présidentielle, elle s’est engagée dans un bras de fer avec le pouvoir, tout en comptant sur l’ancien président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, qui lui a manifestement vendu du vent. Les différentes actions de cette opposition ont été un échec. Depuis l’appel à l’insurrection d’une certaine Pulcherie Gbalet, jusqu’au boycott actif en passant par la désobéissance civile, rien n’a véritablement marché. Sans tirer les leçons de son échec, l’opposition a décidé de ne pas participer à la présidentielle, faisant le lit d’une victoire sans ambages du président sortant, Alassane Ouattara.
« Après avoir bombé le torse, l’opposition est rentrée dans les rangs »
Dans différents fiefs de l’opposition, c’est la désolation. Destruction de biens privés et publics, perte en vie humaine, des dizaines de blessés. L’opposition lance dans la foulée une organisation pour diriger une prétendue transition. Naquit ainsi le Conseil national de la transition (Cnt) qui aura vécu 48h. Ses initiateurs furent, pour la plupart, arrêtés et emprisonnés. Les plus chanceux ont pris la poudre d’escampette pour ne réapparaître que quelques semaines après. D’autres ont renié le Cnt en se rapprochant du pouvoir. C’est la débandade au sein de l’opposition, qui a littéralement disparu. Contrainte par son échec, elle est revenue, la queue entre les jambes, à la table de la discussion avec le gouvernement. L’on a aperçu alors les caciques du Fpi proches de l’ancien président Laurent Gbagbo renouer le fil du dialogue avec le Premier ministre, Hamed Bakayoko. On a encore vu Maurice Kakou Guikahué, très proche de Konan Bédié, aux côté du Premier ministre. On a enfin aperçu Affi N’guessan, le plus virulent des opposants pendant les heures chaudes, aux côtés des barons du pouvoir pour la présentation de condoléances au Ghana, au nom du gouvernement ivoirien. On n’oublie pas non plus le mea culpa de Marcel Amon Tanoh, ancien ministre des Affaires étrangères qui, dans une longue missive, demandait pardon à Alassane Ouattara.
« Une opposition figée dans le temps et dans l’espace »
L’appel au boycott de la présidentielle a occasionné des gros dégâts
L’opposition a royalement ignoré ses dégâts qu’elle compte faire passer par pertes et profits
Le fait que l’opposition ait décidé d’enjamber les corps encore chauds de ses partisans qu’elle a appelés dans la rue, est mal vu dans l’opinion. Elle apparaît désormais comme une opposition « mandiante », qui navigue à vue et qui ne se préoccupe que de ses intérêts. Les Ivoiriens se demandent encore ce qui a bien pu changer entre janvier 2020 et janvier 2021 pour que cette opposition décide de participer soudainement aux législatives, après avoir boycotté violemment la présidentielle. Si à cette situation dramatique de l’opposition, on y ajoute leurs mésentente, tout est réuni pour leur échec à ces législatives. Car, leurs militants, désabusés et trahis, pourraient leur faire regretter leurs actions. Le Rhdp a, lui, toujours fait preuve de cohérence dans ses options. Il est resté droit dans ses bottes et a su déjouer tous les plans de ses adversaires. Aujourd’hui, c’est le seul parti qui occupe le terrain politique. Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest en passant par le centre, c’est la machine Rhdp qui est perceptible. C’est elle qui a fait inscrire des centaines de milliers d’électeurs sur la liste électorale. Naturellement à l’arrivée, c’est le Rhdp qui part donc favori. C’est une question de stratégie et surtout de bon sens. L’opposition est quasi inexistante. Elle reste encore tributaire de son imaginaire basée sur ses gloires révolues. Elle devra donc s’apprêter à accepter sa défaite. Une élection, c’est d’abord et avant tout le terrain. Les réalités de 2010 et celles de 2021 sont loin d’être les mêmes. En 10 ans, les mentalités et la liste électorale ont évolué. L’opposition est restée figée dans le temps et dans l’espace. Et elle pourrait le regretter.
Tenan Sientienwin avec Infoplus