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La Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI) a organisé en 2018, à travers le Centre d’appui et de développement des entreprises (CADE, plusieurs sessions de formation de ses membres sur l’efficacité énergétique. Minutes Eco a échangé sur les enjeux de de ces rencontres avec le formateur, Henri Seye Bi Gouré, ingénieur des travaux de publics de formation, qui a fait une spécialisation en énergie et développement durable. Directeur général de Exergie, il est aujourd’hui à cheval entre la Côte d’Ivoire et le Canada où il s’est installé depuis 16 ans, pour apporter un encadrement à l’entreprise, de l’accompagner dans la problématique de l’efficacité énergétique.

Quels objectifs poursuivez-vous à travers ces sessions de formation ? 

Le but est de sensibiliser les acteurs, les entreprises, à la nécessité de maitriser un peu leur consommation d’énergie. C’est important car cela a un impact sur leur portefeuille et le coût de production, et cela est valable pour les ménages. De façon globale, la maitrise de l’énergie est étroitement liée à la préservation du climat, de l’environnement. Nous avons fait l’ébauche de l’intérêt qu’il y a de savoir lire sa facture d’électricité.  La plupart pensent que leurs factures d’électricité sont arbitraires et que tout ce qui y figure dépend exclusivement de la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE) ; quelquefois il y en a qui crient au vol parce qu’ils n’ont pas assez de recul pour comprendre ces factures. Nous leur avons donné les clés essentielles pour lire la facture d’électricité et leur avons montré quels étaient les paramètres de facturation qui pouvaient avoir une incidence sur le montant total.

Beaucoup ont souhaité en savoir un peu plus après la première session, afin d’être capables d’économiser effectivement l’énergie dans leurs entreprises. Nous leur avons montré comment lire une facture d’électricité, que soit la facture de l’entreprise en moyenne tension ou celle des ménages en basse tension. Nous avons décodé avec eux les différents paramètres de facturation et montré  à quel point ces paramètres peuvent influencer leurs factures d’électricité. Aussi, nous leur avons montré un outil informatique que nous avons développé au fil des six dernières années et qui peut aider à optimiser sa facture. Qu’est-ce que cela veut dire ? Quand vous allez à la CIE, on vous pose des questions avant de signer un contrat avec vous : le nombre d’ampères ou la puissance souscrite, des informations sur votre activité… C’est à partir de ces données qu’on vous propose des tarifs. Dépendant du choix de ces deux paramètres, vous vous exposez à des pénalités, à des surcoûts, ce que nous appelons des faux frais d’électricité. Notre rôle, à travers ce logiciel, c’est de permettre aux usagers, aux abonnés de la CIE, de payer le juste prix de l’électricité, débarrassé des anomalies et des pénalités dues aux mauvais choix d’abonnement.

Quel est l’enjeu pour une entreprise de participer à ces sessions de formation ?

Il y a des enjeux énormes. Nous souhaitons que tous les participants soient capables d’optimiser leurs factures, de prendre la facture de la CIE, de la lire correctement et que la facture cesse d’être considérée comme une pièce comptable ordinaire. Il faut que les experts puissent lire la facture, trouver les difficultés et conseiller leurs gestionnaires. Avec une bonne analyse, une bonne optimisation de la facture d’électricité, vous êtes capables de faire des économies qui peuvent aller jusqu’à 20 ; 30 ; 40% dépendants des choix que vous faites au départ. Une autre attente, c’est qu’à l’issue des résultats positifs que l’analyse des factures peut leur envoyer, les managers d’entreprises s’engagent dans un programme d’efficacité énergétique, qui est un programme d’envergure qui permet de faire beaucoup plus d’économie. Nos Etats signent des accords pour s’engager des problématiques de protection de l’environnement et de lutte contre le changement climatique ; il faut que ces engagements se traduisent dans le pays par des actes concrets. Ces actes, il y en a deux : s’engager à faire de l’efficacité énergétique d’une part et à recourir aux énergies renouvelables d’autre part.

Quand vous parlez d’efficacité énergétique, en quoi cela devrait-il consister réellement pour une entreprise ou un particulier ? 

L’efficacité énergétique peut être définie en trois points. D’abord, le but de l’efficacité énergétique, c’est que nous puissions satisfaire nos besoins énergétiques de façon sobre, c’est-à-dire qu’il faut éviter le gaspillage. Nous devons en outre permettre aux générations à venir de satisfaire elles aussi leurs besoins en énergie. Nous avons le devoir, aujourd’hui, en consommant, de penser au futur. Le deuxième élément, ce sont les moyens dont nous disposons pour faire de l’efficacité énergétique. Ces moyens, nous les retrouvons dans la politique énergétique, dans la gestion au niveau managérial (les patrons sont des atouts essentiels pour la raison de l’efficacité énergétique), dans la technologie (les entreprises n’ont pas cessé d’approfondir les innovations, et recherches et développements qui permettent d’améliorer la performance en termes de consommation d’énergie).  Ces moyens, on les retrouve également dans les renforcements de capacité : il faut que les acteurs soient formés et que ces formations puissent avoir un impact sur leur comportement de tous les jours.

En dernier point, il faut savoir quelle est la cible de l’efficacité énergétique. De façon générale, les pensent qu’il s’agit seulement de l’énergie sous sa forme finale, notamment l’électricité, le gaz, le carburant… On peut faire de l’efficacité de l’énergie sous sa forme finale, mais c’est encore mieux de faire sur la source de l’énergie. L’efficacité énergétique, c’est à la fois conserver l’énergie et  conserver la qualité de cette énergie. Par exemple, vous êtes dans une maison, vous avez besoin d’eau chaude, vous avez à votre disposition deux solutions : chauffer votre eau à partir de l’électricité ou recourir à l’énergie solaire, à travers les chauffe-eau solaires. Dans le premier cas qui consiste à utiliser l’électricité, vous avez détruit la qualité de l’énergie, parce que pour produire de l’électricité, le rendement de la production d’électricité n’est que de 30%, peu importe le moyen par lequel on l’obtient. Que vous prenez le vent, le soleil, l’hydraulique…, le rendement de l’énergie primaire à l’énergie électrique n’est que de 30%. Dans l’énergie primaire que vous utilisez, 70% sont détruits. Alors, si quelqu’un prend les 30%  qui sont produits pour chauffer de l’eau, c’est une perte d’énergie. Or quand vous chauffez votre eau avec un chauffe-eau solaire, vous utilisez 70%  de la capacité de l’énergie primaire. Donc vous préservez la qualité de l’énergie.

Qu’est-ce que vous constatez généralement sur les factures d’électricité des entreprises ? Et qu’est-ce que vous leur conseillez ? 

Il faut dire que nous privilégions la formation applicable à des cas concrets, à partir des factures d’électricité. Les gens vont à la CIE, les entreprises, pour demander une puissance souscrite. En fonction de cette puissance, la CIE demande de payer une prime fixe. Que vous ayez consommé de l’énergie ou pas, vous allez payer. Mais dans la réalité, la CIE va mesurer chaque mois la puissance que vous avez réellement consommée. Ce qu’on constate généralement, c’est que le choix de la puissance souscrite n’est pas adapté aux besoins de l’entreprise. Quelquefois les gens ont besoin de 100 KWh et ils vont souscrire à 500 KWh. Du coup, ils paient une prime fixe extrêmement élevée. Mais on a aussi le cas inverse. Les gens peuvent avoir besoin de 1000 KWh ; ils vont souscrire à 500 KWh. Dans la réalité, ils vont dépasser tous les mois leur puissance souscrite. Ce qui va engendre ce que j’ai appelé les faux frais, des pénalités. C’est ce que nous constatons en général.

La deuxième chose porte sur des termes extrêmement techniques mais faciles à comprendre. Il y a par exemple le mauvais facteur de puissance. Quand vous consommez de l’énergie utile, en réaction sur le réseau il y a de l’énergie  inutile qu’on appelle de l’énergie réactive, qui vient chauffer les appareils pour le démarrage. La CIE dit : « Attention, nous on ne peut vous donner qu’une proportion d’énergie réactive. L’énergie inutile est limitée. Si vos appareils en demandent plus, c’est vous qui payez le surplus. » Dans ce cas, on vous applique des pénalités. Ces faux frais, nous les déterminons et apportons des correctifs pour les éliminer. Il y a en réalité beaucoup de choses. Et le travail que nous faisons permet de réaliser des économies énormes. Et c’est du concret. Ce n’est pas une vue de l’esprit.

Le logiciel que vous proposez permet-il à une entreprise de mesurer sa consommation et de l’optimisez ? 

Le logiciel permet, au bout d’un an de consommation, de vous dire si votre puissance souscrite est bonne ou pas. Si elle n’est pas bonne, il vous propose une nouvelle puissance souscrite avec laquelle vous allez faire des économies au cours des années à venir. Si vous voulez par contre expertiser vos installations tout de suite, vous devez recourir à des experts qui iront sur place pour relever la puissance de vos équipements et faire le bilan de puissance à partir duquel ils pourront vous faire des recommandations. L’expertise peut donc se faire en amont ou en aval.

Emmanuel Akani 

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