Après un confinement strict, le pays dirigé par Jacinda Ardern semble être venu à bout de l’épidémie. Mais comment en est-il arrivé là ?
Par David Opoczynski
Le 25 mai 2020 à 16h50
Même le séisme de magnitude 5,6 qui a secoué ce lundi l’île du Nord de la Nouvelle-Zélande, ne l’a pas perturbée. En pleine interview en direct la télévision, la Première ministre Jacinda Ardern a gardé son calme et son sourire.
Il est vrai que l’heure est aux bonnes nouvelles pour son pays. La lutte contre le Covid-19 semble en effet en passe d’y être gagnée.
Le dernier décès remonte au 6 mai et un seul nouveau malade a été annoncé depuis le 19 mai. Il n’en reste officiellement que 28. Au total, ce pays de 5 millions d’habitants aura recensé 1504 cas et 21 morts.
Si la taille et l’insularité du pays ont certes contribué à limiter la propagation du coronavirus, la Nouvelle-Zélande a néanmoins su, depuis le premier cas détecté le 28 février, adopter une série de mesures efficaces pour y parvenir aussi rapidement. Quelles sont ces recettes ? Voici les principales.
Des mesures strictes et immédiates
«Frapper fort et frapper vite», «éradiquer plutôt qu’atténuer». Le gouvernement néo-zélandais a adopté une stratégie des plus drastiques dès les premières heures de la crise sanitaire. Le 14 mars, alors que la Nouvelle-Zélande ne compte alors que 8 cas, Jacinda Ardern décide que toute personne entrant dans l’archipel sera placée en quarantaine. Le 19 mars, elle ferme les frontières aux étrangers. Le 25 mars, le confinement est instauré et les commerces non essentiels fermés. Le premier décès n’interviendra que trois jours plus tard.
Dans The Guardian, les épidémiologistes Michael Baker et Nick Wilson, professeurs au département de santé publique de l’université néo-zélandaise d’Otago, soulignent que « la Nouvelle-Zélande apparaît comme le seul pays occidental à avoir adopté une stratégie d’éradication avec l’objectif de mettre entièrement fin à la transmission du Covid-19 à l’intérieur de ses frontières ».
Un suivi à la trace
Pour suivre au plus près la circulation du virus et ainsi se prémunir de toute deuxième vague, les Néo-Zélandais ont multiplié les tests de la population et les recherches de contacts des malades.
Plus de 261 315 tests ont été réalisés. Quant à l’application de traçage du Covid-19, elle a été téléchargée par près de 380 000 personnes.
Dans un autre genre de suivi, la police néo-zélandaise a de son côté lancé un site Internet permettant de signaler… les violations des consignes de confinement.
Le directeur général de la santé, le docteur Ashley Bloomfield, estime que le peu de nouveaux cas permet d’affirmer que le but du gouvernement d’éliminer le virus a été atteint. « Il ne s’agit pas d’une éradication complète du virus, précise-t-il. Mais cela signifie que nous savons d’où viennent les cas ».
De la bienveillance
A l’image de son apparition télévisée en sweat-shirt, juste après avoir « mis sa fille au lit», Jacinda Ardern a choisi une certaine forme d’empathie à l’heure de s’adresser à la population qui s’apprêtait à entrer en confinement. Elle a multiplié les messages apaisants et solidaires et mis en place des sessions de questions-réponses sur Facebook.
«Les gens ont senti qu’elle ne leur fait pas la morale, mais qu’elle est réellement à leurs côtés, a souligné Helen Clark, l’ancienne Première ministre. Même s’ils ne comprennent pas tout à fait telle ou telle décision du gouvernement, ils ont compris qu’elle était là pour les soutenir.»
Par son discours et son attitude, Jacinda Arderna a ainsi réussi à fédérer autour d’elle « une équipe » de 5 millions de personnes, prêtes à jouer le jeu durant les sept semaines de confinement. Sa cote de popularité a atteint des records : 92 % des Néo-Zélandais ont ainsi salué sa gestion de la crise.
Un accompagnement prolongé
L’heure n’est pas encore au retour à la vie d’avant malgré tout. Des restrictions demeurent. Les bars ne doivent pas accueillir plus de 100 personnes, doivent imposer des mesures de distanciation sociale et enregistrer les contacts des clients pour pouvoir les retrouver dans l’hypothèse d’une flambée des contaminations.
Depuis la réouverture des écoles, au lieu d’accompagner leurs enfants en classe, les parents sont désormais tenus de les laisser dans une zone dédiée.
Même si elle a su maîtriser l’épidémie, la Nouvelle-Zélande a toutefois souffert sur le plan économique. Pour faire repartir l’économie, Jacinda Ardern aimerait que les Néo-Zélandais voyagent et consomment davantage à travers le pays. Elle propose donc que les salariés bénéficient du télétravail, de jours de repos ou fériés supplémentaires, voire d’une semaine de quatre jours. « C’est un moment exceptionnel et nous devrions être prêts à envisager des idées extraordinaires, a-t-elle déclaré. Il y a plein d’options possibles et nous devons être ouverts d’esprit ».