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«La défaite est orpheline, la victoire a plusieurs pères», disait Tacite. Une maxime que John Fitzgerald Kennedy remit au goût du jour en 1961, au lendemain de l’échec de la Baie des Cochons. Elle trouve une singulière résonance aujourd’hui à Bouaké, alors que la deuxième ville de Côte d’Ivoire s’apprête à inaugurer son majestueux Hôtel de Ville, le 28 avril 2025, en présence du vice-président de la République, Koné Tiemoko Meyliet.

Depuis quelque temps, des voix s’élèvent pour attribuer la paternité de cet édifice à diverses figures. Mais à l’heure des hommages, il est essentiel de rendre à César ce qui est à César. Si cet Hôtel de Ville voit enfin le jour, c’est en grande partie grâce à l’engagement sans faille de Djibo Youssouf Nicolas, ancien maire de Bouaké (2013–2023), qui en a fait une priorité absolue. Car sans lui, ce rêve enfoui dans les décombres depuis des décennies ne se serait jamais concrétisé.

Une œuvre commencée sous Djibo Sounkalo, abandonnée puis oubliée

Il faut remonter à 1976 pour comprendre l’origine du projet. À l’époque, Djibo Sounkalo, alors maire de Bouaké, lance les travaux d’un Hôtel de Ville moderne, sur une parcelle de quatre hectares, en plein cœur du quartier Commerce. L’édifice était pensé pour symboliser les ambitions de la ville dans l’ère du « miracle ivoirien ». Avec une architecture imposante s’élevant sur quatre niveaux et un sous-sol, le chantier suscite espoir et admiration.

Mais très vite, le rêve s’effondre. Pour des raisons à la fois politiques, financières et techniques, les travaux sont stoppés. Le site devient un lieu désaffecté, malfamé, surnommé ironiquement « Palais du Carnaval », car il accueillait les funérailles symboliques de Papa Carnaval à chaque édition de la fête populaire. Seule la salle des fêtes continuait d’accueillir ponctuellement quelques réunions.

Djibo Nicolas : le fils qui a réanimé le rêve

Il faudra attendre 43 longues années pour qu’un autre Djibo, le fils cette fois, redonne vie à ce projet abandonné. En 2019, sous la mandature de Djibo Youssouf Nicolas, les travaux reprennent, cette fois avec un financement de la Banque mondiale, à travers le Projet d’Infrastructures pour le Développement Urbain et la Compétitivité des Agglomérations Secondaires (PIDUCAS).

Le défi est colossal, mais la détermination du maire est plus forte. Avant la fin de son second mandat, en 2023, l’essentiel du chantier est achevé. Bouaké peut enfin contempler son Hôtel de Ville. Il s’agit d’un bâtiment monumental d’une valeur de 6,6 milliards de francs CFA, doté d’infrastructures modernes, et pensé pour répondre aux besoins d’une métropole en plein renouveau.

L’édifice dispose d’une salle polyvalente de 560 places, d’un ascenseur, de skydômes pour l’aération après les événements, d’un parking moderne, et d’un aménagement paysager avec de grands espaces verts. L’ensemble architectural ne se limite pas à l’administration municipale. Il abritera également trois entités majeures : Côte d’Ivoire PME, le CEPICI (Centre de Promotion des Investissements en Côte d’Ivoire), et un Centre d’affaires pour les forums et séminaires.

Une reconnaissance nécessaire

Le 28 avril 2025, le maire actuel, le ministre Koné Amadou, recevra officiellement ce joyau. Il serait juste et symboliquement fort que cet édifice porte le nom de Djibo Nicolas, qui en a été l’artisan principal, ou celui de son père, Djibo Sounkalo, qui en a posé les premières pierres. Il faut voir deux générations unies par un même idéal pour doter Bouaké d’un Hôtel de Ville à la hauteur de sa grandeur.

Alla Kouamé

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