Dans un pays où 87% de la population vit avec moins de 1,9 dollar par jour, selon la Banque mondiale, le Burundi a déjà connu les pénuries, notamment après les sanctions économiques prises en 2015 par l’Union européenne et les Etats-Unis.
Gérard fait le tour de sa petite pharmacie du centre de Bujumbura, la capitale économique du Burundi. De nombreuses étagères sont vides, il manque des médicaments contre le diabète, l’hypertension… « Des patients meurent faute d’accès à certains traitements », assure-t-il.
Et pour les quelques médicaments que le pharmacien arrive encore à se procurer, les prix se sont envolés.
« La ventoline qui coûtait 12.000 francs burundais (environ 3,80 euros) l’année dernière est désormais à 49.000 francs (environ 15 euros) », détaille ce sexagénaire, qui a requis l’anonymat pour des raisons de sécurité, comme les autres personnes interrogées par l’AFP.
Dans un pays où 87% de la population vit avec moins de 1,9 dollar par jour, selon la Banque mondiale, le Burundi a déjà connu les pénuries, notamment après les sanctions économiques prises en 2015 par l’Union européenne et les Etats-Unis.
Cette année-là, l’annonce de la candidature à un troisième mandat du président Pierre Nkurunziza, au mépris de la Constitution, avait plongé ce pays enclavé de la région des Grands Lacs dans une grave crise politique. La répression de la contestation avait fait au moins 1.200 morts et 400.000 déplacés.
Les sanctions ont depuis été en partie levées et les aides au développement ont repris, notamment après des signaux d’ouverture envoyés par Evariste Ndayishimiye, le successeur de M. Nkurunziza décédé en 2020.
Mais aujourd’hui, « la situation est pire », estime Félix, médecin à Matana, un village à environ 70 km au sud-ouest de Bujumbura.
« Avant, nous avions des ruptures de stock qui duraient deux ou trois jours, là ça fait deux semaines que nous attendons et nous n’avons toujours aucune date de livraison », explique-t-il.
Devises
Cette fois, la principale cause est le manque de devises étrangères, qui rend de plus en plus difficiles les importations cruciales pour le pays.
Le Burundi a des réserves de change qui « équivalaient à seulement 0,7 mois d’importation en décembre 2023 (…) et la pénurie de devises demeure un sujet d’inquiétude majeur », notait en juillet dans une étude l’assureur-crédit Coface.
« Le pays a une économie minée par trop de dysfonctionnements, et est trop dépendante des aides », souligne un économiste burundais, avant de poursuivre: « Les secteurs qui généraient des devises étrangères, que ce soit l’agriculture ou le secteur minier, sont aujourd’hui en détresse ».
Médicaments, carburant, sucre… De plus en plus de produits de première nécessité deviennent introuvables dans de nombreuses villes ou se négocient à des prix exorbitants au marché noir, des files sans fin s’étirent devant les stations service, les rayons des magasins sont vides.
« La vie est devenue impossible pour les habitants de Bujumbura », se plaint André, jeune cadre habitant vivant dans un quartier populaire du nord de la ville.
« On doit marcher chaque jour des kilomètres pour aller travailler car il n’y a pas de bus à cause de la pénurie de carburant. Et lorsqu’on rentre le soir, éreinté, on ne peut même pas prendre de douche car il y a également pénurie d’eau, ni regarder la télé car on manque souvent d’électricité », raconte-t-il.
En l’espace de quelques mois, les prix du sel et de l’huile de palme ont plus que doublé, explique Serge, agriculteur dans la province de Ngozi, dans le nord du pays.
« Le pétrole pour nous éclairer est beaucoup trop cher, quand bien même nous parviendrons à en trouver », lâche ce trentenaire, père de quatre enfants, qui constate aussi « qu’il peut se passer des mois sans voir de la bière dans les bars du coin ».
Dans sa pharmacie, Gérard a « dû (se) rabattre sur des médicaments d’origines parfois douteuses. »
Les autorités, qui ont libéralisé fin 2023 le système des changes pour tenter de réduire l’écart entre le taux de change officiel et celui du marché noir, semblent dépassées par la crise.
Interrogé sur les pénuries par des parlementaires le 24 avril, le Premier ministre Gervais Ndirakobuca a reconnu qu’il n’avait « aucune solution à vous soumettre ici ».
Michel, un fonctionnaire d’une quarantaine d’années à Bujumbura, est pessimiste: « Personnellement, j’ai perdu tout espoir de voir la situation s’améliorer, malgré les promesses d’un avenir resplendissant » des autorités.
AFP