6 mois. C’est le temps qu’a duré le travail de l’Unité spéciale d’enquête mise en place par le Président Alassane Ouattara pour documenter les violences qui ont émaillé l’élection présidentielle du 31 octobre 2020. Cette unité, constituée de 20 policiers et 20 gendarmes, conduite par le procureur Richard Adou, souligne que ces violences électorales (politiques et intercommunautaires) ont fait au moins 85 morts et près de 500 blessés dans le pays entre août et novembre 2020. 233 personnes « impliquées à divers degrés » ont été interpellées. 40 autres sont toujours « activement recherchées ». Les enquêteurs ont consigné les résultats de leurs recherches dans un document de 64 pages intitulé: « Rapport d’activité de l’Unité spéciale d’enquête sur les évènements survenus à l’occasion de l’élection du président de la République du 31 octobre 2020 (USE) ». Dans la première partie du document, ils expliquent le contexte de la création de l’Unité spéciale d’enquête. Selon les enquêteurs, tout est parti le dimanche 20 septembre 2020 quand l’opposition politique ivoirienne emmenée par Henri Konan Bédié, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci) a décidé d’empêcher la candidature du président Alassane Ouattara. Au motif que la Constitution ivoirienne ne lui permettait de briguer un autre mandat présidentiel. Henri Konan Bédié, Mabri Toikeusse, Georges Armand Ouégnin, Guillaume Soro ou Mamadou Koulibaly ont lancé un appel commun de boycott des élections à travers la désobéissance civile qui a abouti à des violences sur le terrain dans plusieurs localités du pays. « Pour investiguer sur ces faits, apporter une réponse judiciaire appropriée à ces infractions graves et faire suite aux différentes recommandations des organisations internationales des droits de l’homme, le Président de la République a, par décret n°2020-945 du 25 novembre 2020, créé une Unité Spéciale d’Enquête sur les évènements survenus à l’occasion de l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 », écrit-on.
Résultats attendus. Avant de préciser que les résultats attendus était de rassembler les preuves, rechercher tous les auteurs des infractions déjà constatées, de même que les instigateurs et les financiers, et de les conduire à la Cellule Spéciale d’Enquête, d’Instruction et de Lutte contre le Terrorisme (CSEI- LCT). Pour ce faire, ils ont parcouru toutes les localités où des infractions ont été commises avant, pendant et après l’élection présidentielle du 31 octobre 2020. Les missions d’investigation ont couvert les localités de Daoukro, Tiébissou, Bongouanou du 4 au 13 février 2021. Du 18 au 27 février 2021, les limiers se sont rendus à Yamoussoukro, Tiébissou et Toumodi. Ensuite à Dabou, Sikensi, Yamoussoukro, Toumodi, Tiébissou du
3 au 12 mars 2021. Quelques jours après, Yopougon, Bonoua et Dabou recevaient les enquêteurs dans l’intervalle du 08 au 17 avril 2021. Ils ont été à Abengourou et Divo du 6 au 15 mai 2021. Et pour terminer, ils sont repartis à Yamoussoukro, Tiébissou, Toumodi et Divo du 22 juin 2021 au 1er juillet 2021. Sur le mode opératoire, on apprend que la mise en manœuvre effective de la mission de l’Unité Spéciale a été précédée de diverses réunions de coordination et de planification stratégique avec le Procureur de la République et l’ensemble des membres (Parquet, enquêteurs et juges d’instruction). Les différents incidents ont été documentés à partir des auditions de quelques mis en cause et les témoignages de quelques victimes. Sans oublier les auteurs moraux (commanditaires et financiers). « Les investigations menées par les agents enquêteurs ont permis de comprendre les principaux incidents dont les villes citées plus haut ont été le théâtre, et de situer les responsabilités de diverses personnes dans ces incidents survenus, soit en tant que commanditaires, soit en tant qu’auteurs matériels des faits », note-t-on au titre du bilan des activités de l’Unité spéciale d’enquête.
Difficultés. Néanmoins, elle dit avoir été confrontée à des difficultés. Notamment le délai imparti de 6 mois pour les enquêtes était très court au regard de l’étendue de la tâche. Sans compter que la population ou des autorités ont refusé de collaborer avec les enquêteurs. Le rapport met enfin à l’index l’insuffisance des moyens logistiques déployés. Ce qui n’a pas permis aux enquêteurs de se rendre simultanément dans plusieurs localités, comme cela se devait. Pour terminer, l’USE recommande à court terme de poursuivre les investigations en vue d’interpeller les 40 personnes identifiées et qui sont activement recherchées par les enquêteurs. Tout comme d’engager des poursuites contre tous les auteurs moraux et financiers. A moyen et long termes, il faut « apporter un accompagnement psychologique et social à toutes les victimes, en raison des traumatismes individuels et collectifs subis par celles-ci ».
Stéphane Badobré