Emerson Lopez vend des bananes sur le bas-côté d’une rue poussiéreuse de La Lima, dans le nord du Honduras. Mais il compte bientôt changer de vie et prendre la route vers les Etats-Unis, avec l’espoir que le nouveau président Joe Biden ouvrira la frontière.
Deux ouragans ont emporté en novembre le toit de la maison où vivait ce jeune homme de 18 ans, avec ses parents et quatre autres frères et soeurs plus jeunes. Ses espoirs d’avoir un diplôme en informatique se sont envolés avec la fermeture de son école pour cause de pandémie : pour lui, c’est clair, son avenir n’est pas au Honduras.
« Nous espérons que cela changera, que nous profiterons » du départ de Donald Trump de la Maison Blanche et de l’arrivée du démocrate Joe Biden le 20 janvier, dit le jeune homme aux journalistes de l’AFP dans le quartier du Bon Samaritain, dans la banlieue de La Lima.
Cette ville de 90.000 habitants à 180 km au nord de Tegucigalpa, et sa banlieue portent toujours les stigmates des destructions et des inondations causées par le passage en novembre des ouragans Eta et Iota dans la vallée de Sula, coeur industriel et moteur économique du Honduras.
Selon le gouvernement, la pandémie et les ouragans ont coûté cinq milliards de dollars au Honduras, l’un des pays les plus pauvres d’Amérique latine.
« Je n’ai pas trouvé de travail, et comment pourrais-je en trouver sans expérience et alors que je suis trop jeune ? » se plaint Emerson qui se dit prêt à s’en aller.
Un appel a été lancé sur les réseaux sociaux pour la formation d’une nouvelle caravane de migrants le 15 janvier, seulement cinq jours avant la prestation de serment de Joe Biden, sur lequel les candidats au rêve américain comptent pour assouplir la politique migratoire des Etats-Unis.
« S’ils arrivent à bon port, la plupart d’entre nous ici prendrons la décision de partir plus tard », dit Emerson.
Martha Saldivar, une voisine, est prête elle aussi, à 51 ans, à se lancer sur la route, mais pas avec la caravane prévue.
– « Biden va enlever le mur » –
« On a entendu dire que Biden va enlever le mur », dit Martha devant sa maison sans toiture et entourée de décombres, mais « je ne partirai pas avec la caravane parce que ce sont des gens qu’on ne connaît pas », affirme-t-elle.
Depuis octobre 2018, ce sont plus d’une dizaine de caravanes de migrants qui se sont formées au Honduras, dont au moins quatre avec plus de 3.000 candidats au rêve américain. Mais toutes se sont heurtées aux contrôles renforcés à la frontière américaine.
Et les embûches sur la route sont toujours nombreuses.
Le gouvernement du Guatemala a averti que tout étranger qui voudrait passer par son territoire devra présenter un test négatif au Covid-19, ainsi que des documents en règle.
De son côté, le consulat du Mexique à San Pedro Sula, la deuxième ville du Honduras d’où partent habituellement les groupes de migrants, a martelé que son gouvernement « n’encourage pas et ne permettra pas l’entrée illégale de caravanes ».
Plus d’un million de Honduriens ont fui à l’étranger la misère et la violence, dont une majorité vit aux Etats-Unis. L’année dernière, ils ont envoyé à leurs familles un montant record de fonds : près de 6 milliards de dollars, soit un peu plus de 20% du PIB du pays.
Les transferts d’argent des émigrés ont également atteint un record au Guatemala en 2020, à plus de 11,3 milliards de dollars (14% du PIB guatémaltèque). Au Salvador, les quelque 2,5 millions d’émigrés aux Etats-Unis ont envoyé à leurs proches plus de 5,6 milliards de dollars (16% du PIB).
Cecilia Arevalo, 54 ans, vit en Californie et est venue rendre visite à sa famille dans la banlieue de San Salvador. Elle espère « un changement des lois migratoires avec Biden, et qu’elles deviendront plus humaines ».
Un espoir partagé par Cristian Panameño, un mécanicien de 42 ans qui vit à une quinzaine de kilomètres de San Salvador : il a mis de l’argent de côté pour repartir aux Etats-Unis, d’où il a été expulsé une première fois.
« Je pense qu’avec ce nouveau président les choses changeront pour un migrant sans papiers », dit-il. Si j’arrive aux Etats-Unis, j’espère qu’on me donnera une chance de travailler ».